La fête foraine, qui a en partie déserté la vie, hante le cinéma. Il est né en son sein alors qu’elle se modernise au crépuscule du XIXe siècle. Cette parenté indique un désir commun : exciter la vue et façonner une expérience du mouvement et de l’extraordinaire, faire de ce que l’on voit ce que l’on vit. Dès lors, quand elle surgit dans le film, que fait la fête foraine au cinéma ? Pour élucider cette question et cerner cette intime relation, le livre revient aux années vingt, de Cœur fidèle d’Epstein à L’Aurore de Murnau. Il propose de regarder ensemble Entr’acte de René Clair et Anticipation of the Night de Stan Brakhage, de faire tenir ensemble Borzage et Ophuls, Bresson et Demy, Minnelli et Fuller, Welles et Hitchcock dont L’Inconnu du Nord-Express, comme on tourne sur un carrousel, revient régulièrement.
Le cinéma s’invente depuis les attractions mécaniques : elles lui apprennent à tourner et révèlent une relation des cinéastes à leur art, une possibilité d’improvisation ou de machination. Certains trouvent dans leur rythme et leur narration un lieu puissant de figuration du désastre et de l’extase, de la réunion et de la désunion des corps. D’autres, parce que le cinéma et la fête foraine partagent un même plaisir du simulacre, mesurent la fiction aux histoires que suscite la foire. Si le cinéma apparaît comme le frère siamois de la fête foraine, il s’y frotte aussi à ses limites : parce qu’elle est avant tout un renversement, la fête foraine est une force qui déforme le film, l’excède et se joue de lui. Elle le réfléchit, dans un miroir déformant.
Au sommaire
– Contourner.
– La fête foraine comme le cinéma /// Communes expériences / Fiction redoublée / Narrateur et bonimenteur / Tourner.
– Les mécaniques de l’attraction /// Faire valser l’horizon / Théâtre du désastre / Détourner / Phénomène de l’extase / Écarts et distraction.
– Retourner.
Théo Esparon prépare une thèse à l’université Paris-Nanterre sur la collection d’art et les films de Josef von Sternberg. Il est l’auteur d’articles qui mettent en relation le cinéma et les autres arts. Il a travaillé à la préparation d’expositions et de programmes de films notamment au Musée national des arts asiatiques-Guimet et est sélectionneur pour le festival Entrevues de Belfort. L’Attrait de la fête foraine est son premier livre.
À l’occasion de la parution de son livre L’Attrait de la fête foraine, le 20 mai 2022 à 15h, Théo Esparon présente Anticipation of the Night de Stan Brakhage, film entièrement muet de 1958, précédé de Prater de Friedrich Kuplent de 1929, à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé (73 avenue des Gobelins, 75013 Paris).