Colloque international (Paris et Nanterre, 9 et 10 juin 2022)
« L’or en Europe occidentale à la Renaissance. Approches interdisciplinaires »
Dans son ouvrage désormais canonique sur la peinture et la culture visuelle dans l’Italie du Quattrocento (Painting and experience in fifteenth century Italy), paru à Oxford en 1972, l’historien de l’art Michael Baxandall décrivait un mouvement de désaffection pour l’or dans les pratiques picturales, sensible dans les contrats entre peintres et commanditaires, mais aussi dans les écrits des théoriciens de l’art. Il reliait ce phénomène à un mouvement plus général, à l’échelle européenne, consistant en l’abandon de certaines pratiques, par exemple la mode des vêtements fabriqués avec des matériaux précieux comme l’or ; et l’expliquait, entre autres, par la pénurie d’or au XVe siècle ou encore par l’intérêt croissant pour le savoir-faire du peintre aux dépens de la préciosité des matériaux. Si les fonds dorés disparaissent progressivement de la peinture d’Europe occidentale — essentiellement au cours du XVe siècle — et si les théoriciens de l’art condamnent alors l’usage de ce matériau, l’or n’est cependant pas complètement abandonné dans la pratique, comme le montrent encore en plein milieu du XVIIe siècle certaines œuvres de peintres novateurs (Rembrandt, Vermeer). Néanmoins, la question des usages ultérieurs de l’or n’a guère fait recette dans les travaux des historiens de l’art de l’époque moderne, qui se sont plutôt attachés à affiner la vision de Baxandall, en examinant la disparition des fonds dorés au XVe siècle dans les deux principaux espaces de création picturale de l’époque : les Pays-Bas et la Péninsule italienne.
Cinquante ans exactement après l’ouvrage de Baxandall, ce colloque se propose de faire le point, de façon interdisciplinaire, sur la place de l’or à la Renaissance dans les sociétés d’Europe occidentale. En tant que matériau, l’or occupe désormais une place importante à la fois dans l’histoire culturelle et économique de l’Europe et du monde, dans l’histoire des sciences, mais aussi dans l’historiographie relevant du « tournant matériel » de l’art, comme le montrent plusieurs synthèses transchronologiques parues dans les dernières années [Venable 2011 ; Zorach & Phillips 2016]. Les musées n’ont pas été en reste de ce regain d’intérêt pour les usages et les significations variés de l’or : il suffit de penser à l’exposition que le Mucem a organisée en 2018 [Bouiller et al. 2018], ou encore aux nombreuses analyses physico-chimiques réalisées sur des œuvres anciennes dans le cadre des laboratoires de recherche en France (ex. C2RMF) et à l’étranger, notamment à Londres (National Gallery).
En partant de ces acquis récents, on s’intéressera ici à un espace circonscrit (l’Europe occidentale) quoique connecté avec le reste du monde, à un moment donné (à la Renaissance, c’est-à-dire ici du milieu du XVe siècle jusqu’en 1520 environ). L’objectif du colloque est par conséquent de faire le point sur :
- l’histoire économique de ce métal et ce que les sciences du patrimoine peuvent en dire : quels sont les gisements d’or exploités à cette époque ? à quelles circulations ce métal est-il sujet ? quel est l’état actuel des connaissances sur l’histoire monétaire en Europe occidentale à la fin du XVe siècle ? comment caractériser la provenance de l’or dans une œuvre d’art ?
- l’histoire sociale de ce matériau : peut-on parler d’une symbolique liée à l’or à cette époque ? quels sont les mythes associés à ce métal (quête alchimique, Eldorado, etc.) ? quelle place pour l’or dans les règlements somptuaires ? …)
- le goût pour l’or (par exemple dans les trésors, dans les intérieurs domestiques, les espaces sacrés, etc.) et la position des pouvoirs civiques et des autorités ecclésiastiques face à ce matériau précieux
- les savoirs savants et pratiques sur ce matériau : métallurgie, pratiques alchimiques, pensée humaniste
- les métiers qui le travaillent (ex. : orfèvres, batteurs d’or, doreurs)
- ses usages artistiques (orfèvrerie, sculpture, enluminure, estampe, tapisserie, peinture, etc.)
- les techniques de mise en œuvre de ce matériau telles qu’elles peuvent être reconstituées aujourd’hui par les sciences physico-chimiques, ainsi que les techniques de restauration des dorures de quelques œuvres de cette période, parmi lesquelles le Retable d’Issenheim (autour de 1515), actuellement en fin de restauration à Colmar (musée Unterlinden).
Nous sollicitons des propositions de communications dans toutes les disciplines concernées.
Soumission des résumés et date limite
Prière de faire parvenir un résumé de la communication (300 mots) avec une courte biographie à Romain Thomas (rthomas@parisnanterre.fr), Valentina Hristova (valqhristova@yahoo.fr), Christine Andraud (christine.andraud@mnhn.fr), Anne-Solenn Le Hô (anne-solenn.leho@culture.gouv.fr) avant le 1er mars 2022. Réponses autour du 15 mars 2022.
Téléchargez l’appel à communications
Comité organisateur
-Christine Andraud (Professeur, physique (optique), CRC/CNRS/MNHN)
-Valentina Hristova (Post-doctorante en histoire de l’art moderne, Fondation des Sciences du Patrimoine et HAR, Université Paris Nanterre)
-Anne-Solenn Le Hô (Ingénieure de recherche en physico-chimie, C2RMF/CNRS)
-Romain Thomas (Maître de conférences en histoire de l’art moderne, HAR, Université Paris Nanterre)
Comité scientifique
-Erma Hermens (Professeur, Director of the Hamilton Kerr Institute et Deputy Director for Conservation and Heritage Research of the Fitzwilliam Museum, Cambridge University)
-Julien Lugand (Maître de conférences HDR en histoire de l’art moderne, CRESEM, Université de Perpignan Via Domitia)
-Philippe Sénéchal (Professeur d’histoire de l’art moderne, Université de Picardie Jules Verne)
-Laurent-Henri Vignaud (Maître de conférences en histoire moderne, LIR3S, Université de Bourgogne)
-Alison Wright (Professor in Italian Art c. 1300-1550, University College London)
-Rebecca Zorach (Mary Jane Crowe Professor in Art and Art History, Northwestern University)