Situé dans le prolongement du projet intitulé « Moments d’histoire de l’art au cinéma », l’enjeu du projet « Moments d’histoire naturelle au cinéma » implique de nouveau les facultés historiographiques du cinéma de fiction. L’hypothèse qui sous-tend nos recherches se laisse résumer ainsi : le film de fiction est capable, sous certaines conditions liées à l’œuvre elle-même, mais aussi (voire surtout) aux modalités de son analyse, de faire histoire. Précisons que c’est le principe d’une histoire figurative qui fait tout l’objet de notre attention.
Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à l’art comme objet de cette historiographie singulière. Le plus souvent, quand une œuvre d’art advient dans un film de fiction — quelle que soit la forme sous laquelle elle se présente : allusion, citation, imitation, etc. —, l’herméneutique tend « tout naturellement » à reverser la présence, et jusqu’au sens de celle-ci au bénéfice du récit. L’œuvre d’art, tour à tour, éclaire, préfigure, figure ou simplement synthétise les enjeux du scénario. Mais au lieu de considérer que les œuvres d’art font d’abord sens au regard de l’histoire racontée et de rabattre leurs effets sur un contenu narratif manifeste, nous avons entrepris de montrer comment l’agencement entre des œuvres d’art citées, évoquées, déformées et/ou des périodes artistiques hétérogènes compose une « autre histoire » que celle racontée par le film : un « moment d’histoire de l’art (en et au cinéma) ».
Si le cinéma peut ainsi contribuer à l’histoire, par les moyens conjugués de ses fictions et de ses figurations, l’art ne saurait en constituer l’unique objet. C’est pourquoi, tout en reconduisant peu ou prou la méthode d’analyse élaborée durant cette première phase du projet, nous avons étendu notre questionnement aux manières selon lesquelles les films de fiction peuvent contribuer à l’histoire naturelle — et cela inclut, par exemple, les très nombreuses fables spéculant sur les origines de l’homme à partir de ses restes fossiles. Semblables prolongements nous invitent encore à remanier, sinon le questionnement ou la méthode d’analyse, à tout le moins le substrat épistémique auquel s’articulent nos analyses. Car si le principe d’une histoire figurative de l’art élaborée dans le champ du cinéma doit composer avec son modèle « non figuratif » — c’est-à-dire, en l’occurrence, avec la discipline régulière de l’histoire de l’art et ses déclinaisons —, l’hypothèse d’une histoire figurative de l’homme ou de la nature engage une interdisciplinarité d’un tout autre ordre, soit une articulation entre l’analyse filmique, d’une part, les discours et les pratiques du naturaliste, du paléontologue ou du paléo-anthropologue, d’autre part.
Les moments d’histoire au cinéma ont donné lieu à des séminaires annuels suivis de plusieurs journées d’études (en 2017 et en 2021) — dont les Actes ont été publiés en anglais pour la première (aux éditions Aracne, en 2020), et sont en cours de publication pour la seconde.
Partenaires
Partenaires projet « Moments d’histoire de l’art au cinéma » (2016-2019) : Bruno Nassim Aboudrar, U. Sorbonne Nouvelle (LIRA) / Joséphine Jibokji, U. de Lille (CEAC) / Barbara Le Maître, U. Paris Nanterre (HAR) / Jessie Martin, U. de Lille (CEAC).
Partenaires projet « Moments d’histoire naturelle au cinéma » (2019-2022) : Bruno Nassim Aboudrar, U. Sorbonne Nouvelle (LIRA) / Barbara Le Maître, U. Paris Nanterre (HAR) / Jessie Martin, U. de Lille (CEAC) / Jennifer Verraes U. Paris 8-Vincennes St-Denis (ESTCA) / Jean-Sébastien Steyer (MNHN-CNRS).