Jonas Delaborde

Graphzines (1978 – ), entre expressions individuelles, phénomènes collectifs et lectures institutionnelles, sous la direction de Marc Décimo

Le terme « graphzine » apparaît durant la première moitié des années 1980, dans la presse alternative française, pour qualifier une nouvelle catégorie d’objets imprimés. Leurs modalités de production sont majoritairement indépendantes et leur contenu est essentiellement iconographique. Un caractère hybride et une inscription marginale (tirage et diffusion limités) offre différentes similarités avec le magazine de bande-dessinée alternative, le fanzine, le livre d’artiste, voire avec l’œuvre unique. De la même manière, le positionnement des praticiens du graphzine s’inscrit dans une « périphérie transversale » qui connecte la création contemporaine au geste punk, le mail art à l’expression individuelle, le graphisme à la littérature expérimentale, selon des modalités définies de façon autonome et souvent autodidacte. Malgré une géographie culturelle majoritairement francophone, cette pratique n’entre que très progressivement dans les politiques d’acquisition institutionnelles nationales. De plus, alors le punk connaît une fortune critique a posteriori auprès d’historiens de l’art qui lisent la transgression sociale à travers une grille esthétique, le graphzine est peu étudié. On peut supposer que son « impureté » culturelle, son statut réfractaire aux taxinomies canoniques, son inscription résolument marginale, ainsi que la fluidité des collaborations et des circulations à l’intérieur d’une scène aux réalités diverses rendent son appréhension difficile. Par ailleurs, son histoire reste essentiellement orale. Cette thèse propose dans un premier temps d’établir une définition précise et contextualisée du graphzine, de ses typologies variées et parfois même en opposition. Il s’agit ensuite de mettre à l’épreuve de la réflexion et de la recherche plusieurs hypothèses à même d’expliquer cette reconnaissance tardive, voire cette incompatibilité avec les perspectives institutionnelles ou patrimoniales. Documenter le graphzine et interroger sa réception, c’est se confronter à des mécanismes complexes liés à l’invisibilité des marges. C’est également poser la question de sa place dans le champ culturel. C’est surtout mettre à jour une pratique artistique et éditoriale qui résonne avec une histoire plus large des gestes et des formes.

• Providence. Fracas psychédéliques en Nouvelle-Angleterre [direction éditoriale du catalogue de l’exposition]. Sète : MIAM, 2016.
• Pascal Doury, Christophe Tarkos, braconnages croisés [communication dans le cadre de Tarkos poète : réunion de chantier, journée d’études organisée au Cipm de Marseille, 13 mai 2022]