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Séminaire doctoral HAR /Cinéma – séance 3

Séminaire doctoral HAR /Cinéma (2022-2023)
Barbara Le Maître (Paris Nanterre), Natacha Pernac (Paris Nanterre), Jennifer Verraes (Paris 8-Vincennes-Saint-Denis)

Le séminaire doctoral HAR-Cinéma 2022-23 a pour visée de (re)déployer un projet de recherche, esquissé en 2021, sous l’intitulé : « Pour une archéologie cinématographique de la condition immersive ». La principale hypothèse — voir « Argument », infra — se laisse résumer comme suit : la situation immersive régulièrement mise en avant par la muséographie
de notre temps a notamment pu être façonnée par le cinéma, la fiction filmique opérant comme un instrument de pré-figuration des expériences immersives contemporaines.
Après une mise en commun des premiers éléments et objets de réflexion (12 octobre 2022), l’idée est d’associer pleinement les doctorants — en études cinématographiques, histoire de l’art, études théâtrales, études visuelles, esthétique, muséologie, médiation culturelle — au développement du projet, en mettant notre hypothèse à l’épreuve d’objets audiovisuels puisés ici et là dans l’histoire du cinéma et de l’audiovisuel. Passé la séance introductive — où les initiatrices du projet retraceront les premières pistes de recherche —, le séminaire prendra la forme de séances de travail collectives, dont l’ambition est à la fois de mettre au jour les traits constitutifs de la condition immersive au moyen de l’analyse d’objets visuels renouvelés, mais aussi de réfléchir à ce que désigne possiblement l’expression « d’archéologie cinématographique (de la condition immersive) ». Le séminaire de recherche pourra déboucher sur une publication et/ou l’organisation d’un événement scientifique restituant les avancées du projet.

Les doctorants désireux de s’associer au projet de recherche peuvent écrire à Barbara Le Maître (barbara.lm@parisnanterre.fr).

Le calendrier des séances est indiqué ci-dessous, à la suite de l’argument.

Argument

Notre époque met volontiers l’accent sur la dimension technologique des dispositifs immersifs, insistant notamment sur les idées d’expérience interactive, de réalité virtuelle, de
perception augmentée — autant de promesses de renouvellement ou d’intensification de l’expérience muséale. Il faut cependant reconnaître que le principe d’immersion, quand bien
même faiblement défini, est plus ancien que ne le laisse entendre l’expression récente de muséographie d’immersion1, de telle sorte que si les appareils connectés et autres interfaces
« innovantes » les conditionnent désormais, les formes expographiques de la scénarisation, de la mise en scène et de la dramatisation ont pu jouer un rôle proto-immersif, en installant le visiteur dans une attitude d’adhésion subjective (non-appareillée) qui peut aller jusqu’à la subjugation. Scénarisation, mise en scène, projection psychique : on admettra que si une
archéologie de l’immersion muséale s’impose, une prise en compte du rôle du médium cinématographique dans la formation de la condition immersive s’impose dans le même
temps. Notre hypothèse est en effet qu’une archéologie de l’immersion doit en passer par le cinéma, — non seulement par son dispositif, mais aussi par ses fictions. Qu’est-ce à dire ? Il ne s’agira pas ici de prêter attention aux stratégies immersives déployées intentionnellement par des procédés cinématographiques contemporains, à l’instar de la grotte Chauvet filmée en 3D par Werner Herzog (La Grotte des rêves perdus, 2010). Notre propos est plutôt d’interroger la contribution historique du médium cinématographique à l’invention de l’immersion comme expérience psycho-sensori-motrice à partir de certaines fictions exemplaires. À quel titre, au juste ? Pour leur capacité à désigner, mettre en scène, figurer ou scénariser certains traits constitutifs d’une condition que le cinéma aura ainsi contribué à édifier (longtemps après les explorations des tombeaux d’Egypte et autres déambulations souterraines qui nous semblent être au fondement de l’immersion2). Par exemple, l’ouverture de L’Année dernière à Marienbad (Alain Resnais, 1961) — avec sa composition de mouvements en caméra subjective, déployée dans de luxueux couloirs ornés de sculptures et autres oeuvres d’art, sous la tutelle d’une voix-off hypnotique aux allures
d’audio-guide avant la lettre — constitue l’un de ces moments au cours desquels le cinéma a bien pu préfigurer une condition immersive à laquelle le musée des XXe-XXIe siècles a adjoint ses prothèses technologiques (l’audioguide apparaissant aux alentours de la fin des années 1960). Au-delà de ce seul cas, nous présageons que le cinéma tout entier, en tant que médium fondé sur la projection — celle des images mais aussi celle du spectateur « précipité » dans ces images —, et engageant à ce titre un régime identificatoire complexe3, a
pu contribuer au façonnage de la condition immersive. Pour préciser ce qui, du cinéma, a ainsi dessiné les contours de l’immersion muséale, nous avons commencé par l’analyse d’un objet visuel singulier, à savoir l’emblématique « photoroman »4 de science-fiction de Chris Marker : La Jetée (1962). Partant, il faut étendre l’enquête au-delà de ce seul exemple — en parcourant toute l’histoire du cinéma et de l’audiovisuel. Toutefois, avant de s’interroger sur les objets d’analyse du présent programme de recherche, quelques précisions sont nécessaires quant au projet d’une archéologie de l’immersion.

En premier lieu, celle-ci se distingue du programme de L’Archéologie du savoir5, car nous ne nous intéressons pas à l’émergence d’une formation discursive et aux énoncés qui la soustendent ou l’escortent, mais plutôt à l’apparition d’une formation perceptive concomitante d’une position de sujet et d’un régime identificatoire. Notre projet — qui assume, soit dit en passant, la part d’invention à l’oeuvre dans tout récit des origines — diffère, en second lieu, de l’archéologie des médias dès lors qu’il s’agit de reconstituer les origines de l’immersion muséale au moyen d’un repérage de schèmes ou de traits constitutifs de cette expérience possiblement préfigurés par le cinéma ; et non d’établir
une généalogie des dispositifs et des formes de médialité6. De toute évidence, notre archéologie n’implique, au sens strict, ni fouille, ni vestiges : elle est « purement descriptive7 ». Pour autant, elle n’est pas sans terrain, ni sans objets : notre terrain est en quelque sorte l’histoire du cinéma et, spécialement, certaines fictions en prise avec
l’expérience muséale — de manière explicite, comme dans La Jetée, ou bien implicite, comme dans Marienbad. Enfin, pour ce qui est des objets de notre archéologie, ils peuvent
être qualifiés d’objets immatériels : ce sont autant de schèmes proto-immersifs, d’ordre miesthétique mi-théorique. Insistons enfin sur ceci que notre contribution est une invitation à
considérer plus avant le rôle de la fiction dans la « reconstitution » archéologique : au fil de nos explorations, la fiction filmique devrait se révéler comme un lieu, mieux, un instrument
de pré-figuration des expériences immersives contemporaines.

Calendrier des séances à l’INHA (Institut national d’histoire de l’art) :

  • Séance 1 Mercredi 12 octobre : 17h-20h (salle Peiresc)
  • Séance 2 Mercredi 16 novembre : 17h-20h (salle Peiresc)
  • Séance 3 Mercredi 18 janvier : 17h-20h (salle Benjamin)
  • Séance 4 Mercredi 22 mars : 18h-21h (salle Mariette)
  • Séance 5 Mercredi 10 mai : 17h-20h (salle Mariette)
  • Séance 6 Mercredi 14 juin : 17h-20h (salle Peiresc)

1 « Comme l’indique Grau dans une mise en perspective de l’apparition des dispositifs d’immersion (Grau, 2003), le concept d’immersion reste difficile à circonscrire. Du fait de son appartenance pluridisciplinaire comme la phénoménologie, l’esthétique et les neurosciences, son analyse reste encore confuse, notamment au niveau de sa mise en application dans les musées des sciences. La dénomination de la catégorie « muséographie d’immersion » est relativement récente, même si les premières réalisations qui peuvent être qualifiées
« d’immersives » datent de l’Antiquité (Grau, 2003). En effet, au moyen d’un système de fresques qui englobait physiquement le visiteur en jouant par un travail de perspective avec son regard, les salles de la Villa dei Misteri de Pompéi répondaient déjà à une logique de « captiver » celui qui les pénétrait. Une absence de caractérisation des styles en muséologie, une pratique sans fondement théorique et un vide au niveau de la critique d’exposition au sujet scientifique ou technique ont aujourd’hui pour conséquence un usage flottant du terme. » Cf. Florence Belaën, « L’immersion dans les musées de science : médiation ou séduction », Culture & Musées, n°5 : Du musée au parc d’attraction : ambivalence des formes de l’exposition, Serge Chaumier (dir.), 2005, p. 92-93.
2 Sur les formes et enjeux de ces déambulations souterraines, voir Jean-Jacques Terrin, Le monde souterrain,
Hazan, 2008.
3 Sur ce régime identificatoire, voir Christian Metz, « Identification, miroir » dans Le Signifiant imaginaire, Christian Bourgois Éditeur, 1993 [1977], p. 61-81.
4 C’est ainsi que Chris Marker nomme son film, quand l’album photographique qui en est issu se présente sous l’intitulé de « ciné-roman ». Cf. La Jetée ciné-roman, Chris Marker, New York, Zone Books, 1992.
5 Michel Foucault, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.
6 Une telle généalogie constitue, par exemple, le projet d’Andrea Pinotti, l’une des origines des dispositifs immersifs étant selon lui le stéréoscope. Cf. https://moocdigital.paris/en/node/550.
7 « […] il y a des archéologies purement descriptives qui n’exigent pas cette opération toute particulière qu’est l’extraction de l’objet. » Cf. Alain Schnapp, La Conquête du passé. Aux origines de l’archéologie, Paris, La Découverte / Dominique Carré, 2020 [1993], p. 20.

Date

18 Jan 2023
Expired!

Heure

17:00 - 20:00

Lieu

INHA – Salle Benjamin
Galerie Colbert - 2 rue Vivienne, 75002 Paris
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