Séminaire / Cinéma, antiquités, archéologie
Séance 03 : Jeudi 10 février, 17h–20h
INHA, Institut national d’histoire de l’art, 2 rue Vivienne, Paris 2e, salle Peiresc
Pour participer, merci d’envoyer un mail avant le 09 février à ahoucke@parisnanterre.fr
« Les oiseaux d’Hitchcock – Ichnologie paléontologique et cinématographique »
Claudine Cohen
Le cinéma, dans certaines de ses formes, fait un usage à la fois narratif et esthétique de la trace, du fragment et de l’indice dans la composition et la recomposition de ses récits. Ce séminaire se propose d’apporter un éclairage sur ces procédures singulières, à travers une méditation sur les méthodes que les sciences de la préhistoire (paléontologie, paléoanthropologie, archéologie préhistorique) ont mises au point pour reconstituer les êtres et les mondes du passé profond à partir d’empreintes, de traces et de fragments dispersés.
Un parallèle entre l’œuvre d’Alfred Hitchcock (1899-1980), maître du film à suspens et du film d’horreur, et celle d’Edward Hitchcock (1792-1864), géologue et pasteur américain, inventeur de la paléoichnologie (science des empreintes fossiles) nous conduira à comparer les usages scientifiques et cinématographiques de ces méthodes indiciaires et les modalités de la (re)construction du temps dans ces deux domaines.
Claudine Cohen est philosophe et historienne des sciences, spécialiste de l’histoire de la paléontologie et des représentations de la préhistoire ; directrice d’études à l’EHESS (CRAL) et à l’EPHE/PSL, Sciences de la Vie et de la Terre (Laboratoire Biogéosciences). Parmi ses publications : La Méthode de Zadig. La trace, le fossile, la preuve, Paris, Seuil, 2011 et Nos ancêtres dans les arbres. Penser l’évolution humaine, Paris, Seuil, 2021
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Le séminaire « Cinéma, Antiquités, Archéologie » souhaite interroger les articulations entre le cinéma et l’archéologie, du point de vue historique, esthétique, théorique et épistémologique. En effet, si une porosité entre la science archéologique et l’art cinématographique existe depuis les débuts du cinéma, les films à l’antique puisant dans les découvertes archéologiques pour reconstituer des mondes disparus, un travail à la fois circonstancié et théorisé sur ce que et en quoi le cinéma fait de l’archéologie est encore à faire. Il s’agit non seulement d’identifier ce que l’on pourrait appeler une « invention au carré » – de l’invention au sens archéologique (la découverte, la mise au jour d’un site et de ses artefacts) à l’invention cinématographique, c’est-à-dire la manière dont le cinéma et ses images, et pas seulement dans les films à l’antique, non seulement met au jour à son tour, et informe, donc déforme, des objets ou des sites passés. Il s’agit plus encore d’interroger ce qu’il a en partage avec l’archéologie (par exemple en tant qu’art de l’empreinte et du fragment), et voir comment il met en œuvre, à sa manière, des formes d’archéologies, dans son rapport à l’espace, au temps passé, présent et futur, à l’Histoire et à sa propre histoire, à la matière et à sa propre matérialité, au corps, aux images, à la fiction.
L’objet de la réflexion est donc aussi – et même avant tout – épistémologique : identifier en quoi les méthodologies et théories de l’archéologie permettent de penser le cinéma, et les pratiques de certains cinéastes. La méthodologie mise en œuvre au cours de ce séminaire consiste donc à faire se rencontrer et dialoguer artistes, spécialistes des études cinématographiques, historiens d’art et archéologues, pour réfléchir ensemble, à partir de conférences et projections, à ce que l’archéologie peut apporter à la pensée du cinéma.
Séances suivantes (17h-20h, Louvre/INHA, selon les dates, précisions à venir)
- 10 mars 2022 : à confirmer
- 14 avril 2022 : Philippe-Alain Michaud et Jonathan Pouthier
- 19 mai 2022 : Salvatore Settis
- 16 juin 2022 : Alain Schnap
Séminaire organisé dans le cadre du projet ICAAR – « temps réInventés : Cinéma, Antiquités, ARchéologie » (Labex Les passés dans le présent (ANR-11-LABX-0026-01) ; université Paris Nanterre (HAR et ArScAn) ; musée du Louvre).
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Séances précédentes
Séance 01 : Jeudi 18 novembre, 17h–20h
Salle de séminaire 2, bâtiment Weber, Université Paris Nanterre
« LA PREMIERE SEANCE : HYPOTHESES »
Marc Azéma et Raphaël Dallaporta
A partir des travaux du préhistorien et cinéaste Marc Azéma sur le cinétisme de l’art paléolithique, dans les grottes ornées et dans l’art mobilier, ainsi de l’œuvre vidéo et photographique de l’artiste Raphaël Dallaporta autour de l’inversion de l’idée de progrès, en remontant des usines souterraines de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la grotte Chauvet, la séance permettra de débattre sur l’archéologie de l’image animée, sur le sens archéologique des dispositifs de projection et sur la contemporanéité de l’art dit des « origines ».
Séance 02 : Jeudi 16 décembre, 17h–20h
CNC, Centre national du cinéma et de l’image animée, 291 Bd Raspail, Paris 14e
« TIME CAPSULES »
Joana Hadjithomas et Khalil Joreige
Under the Cold River Bed est l’une des œuvres de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige qui figure en ce moment dans leur exposition Rewind Fast Forward (galerie In situ–Fabienne Leclerc, Romainville : http://www.insituparis.fr/fr/expositions/presentation/158/Rewind%20Fast%20Forward).
Ces deux titres en disent long sur leur intérêt pour les mondes souterrains et les enjeux de temporalité qu’ils sous–tendent. Deux perspectives que réunit aussi la notion de « Time capsules », selon le nom d’une de leurs installations emblématiques.
Cinéastes et plasticiens nés à Beyrouth, ayant grandi pendant la guerre civile libanaise, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ont développé une œuvre marquée par les traces, les problématiques territoriales et mémorielles liés à l’histoire de leur pays, mais en connexion directe avec un état général du monde autant qu’avec l’extrême contemporain. « Nous ne montrons pas d’images de guerre, nous montrons ce que la guerre fait aux images », ont–ils pu affirmer.
Construite à partir d’archives (aussi bien exhumées et trouvées que formées par des documents personnels), d’images réalisées par eux, d’objets construits ou manufacturés et de textes, leur démarche artistique relève autant de la poétique que du politique. Il s’agit de rendre manifestes les non–dits de l’histoire, de produire une résistance aux discours officiels et d’interroger « les conditions du visible », à travers une multiplicité d’actions sur les images (destruction, contournement par le texte et le récit, acceptation de leur présence, bien plus fantomatique, que symbolique).
Au cours de ce séminaire, ils reviendront sur le rapport fécond de leur recherche et de leur pratique artistique avec l’archéologie, depuis leurs collaborations effectives avec des archéologues jusqu’à la manière dont l’archéologie informe leur pratique et leur pensée du cinéma – de l’écriture, du tournage, du montage.
Image : ©Fellini Roma (Federico Fellini, 1972)