Journées d’études transversales du HAR / Patrimonialisation de l’éphémère (1/2)
Patrimonialisation de l’éphémère
Journées d’études transversales du HAR
avec le soutien du ministère de la Culture, direction générale des patrimoines et de l’architecture, délégation à l’inspection, à la recherche et à l’innovation
entrée libre
20 novembre et 4 décembre 2023
« L’éphémère est éternel »[1]
Constatant que les intérêts croisés de ses chercheurs portent assez majoritairement sur les questions de patrimoine dans ses diverses acceptions, mais en particulier sur le patrimoine éphémère que constituent depuis la Renaissance les spectacles et les performances, les architectures éphémères et le renouvellement constant des aspects du milieu urbain traversé par les arts, l’Unité de recherche « Histoire des arts et des représentations » a proposé au ministère de la Culture, direction générale des patrimoines et de l’architecture, délégation à l’inspection, à la recherche et à l’innovation, de prendre pour sujet de deux journées d’études la patrimonialisation de l’éphémère.
Archiver l’éphémère ne va pas de soi. Cette action ne comporte-t-elle pas d’abord une contradiction dans les termes ? Ce qui est éphémère ne doit-il pas sa beauté, peut-être sa valeur toute entière, à ce qu’il ne dure que l’« espace d’un matin » (Malherbe) et, quand il est le fruit de la spontanéité, à la seule « intuition de l’instant » (Bachelard) ? Ce premier dilemme passé (le pourquoi et le pourquoi pas ?), se pose la question du quoi. Que conserver ? « Ce qui s’offre d’emblée » (Yves Bonnefoy) -les traces, le «je-ne-sais quoi et le presque-rien » – ou ce que l’on a prévu dès le départ de faire durer -intentionnellement-, éventuellement en le transposant sous une autre forme ? Comment enfin donner une actualité à ce patrimoine éphémère, une structure à l’événement singulier ou encore présenter le patrimoine de l’éphémère ?
Le récent colloque « Tatouage. L’art aura-t-il ta peau ? » organisé par HAR, l’université de Nantes et l’Institut Art et Droit à l’INHA en juin 2023, a mis à nu un cas extrême de tension entre le caractère éphémère d’un art sur la peau et la conservation à des fins artistiques du geste et des figures qu’il instaure. L’inventivité et la diversité des moyens de conservation-transposition, mémorisation filmique et photographique, apports du numérique- sur fond de questionnement éthique et de divergences sur le statut même de l’acte ne sont pas sans rappeler les problématiques liées à l’art urbain que dans un colloque plus ancien, les 13 et 14 octobre 2016, à la Grande Halle de la Villette à Paris, « État de l’art urbain, Oxymores III » , HAR et le ministère de la Culture avaient explorées (https://www.dailymotion.com/video/x553qs5).
L’équipe Cinéma travaille sur un art d’enregistrement qui a, pour cela dès ses débuts, « fait patrimoine ». Elle a pu contribuer à la patrimonialisation d’une pratique autrefois illégitime et tenue paradoxalement pour éphémère (la reprise de l’exploitation d’un vieux film est une invention tardive, qui a précédé la multiplication des supports de reproduction jusqu’au numérique unificateur et à la nouvelle économie des « films restaurés »), notamment dans les champs de recherche sur la relation à la peinture et à l’histoire de l’art et l’étude des discours et l’édition des écrits suscités par le cinéma. Attentive aussi à la création contemporaine, elle présente, lors de ces journées, un film « HAR » issue d’une recherche-création qui retrouve l’éphémère de la séance de cinéma dans les visages de ses spectateurs en un lieu, Kassel, où habituellement se résout tous les cinq ans, par la fréquentation de masse et le marché, la dialectique du patrimoine et de l’ultra contemporain, mais où se propagea, en juin 2022, le feu (éphémère ou pas) d’un scandale et d’une censure : la documenta 15.
La question du reenactment, du play it again est un des points forts de la réflexion de l’équipe Théâtre, dont toute une composante s’interroge -sous le titre « Performer l’archive »- sur les vertus heuristiques de l’expérimentation théâtrale contemporaine pour éclairer les archives du théâtre français ancien, entre le XIVe et le XVIIIe siècle. La « consolidation » de l’éphémère -dont la transformation d’un événement en architecture, le Redentore, forme l’emblème- se nourrit d’un aller-retour entre passé et présent que les programmes de HAR sur la mémoire photographique de l’œuvre et de la performance, et la virtualisation (cloning sonore, patrimoine “augmenté” etc.), l’analyse en acte des conditions de possibilité de la transposition contemporaine de la revue Les Temps Modernes fondée par Sartre en 1945 par nos collègues philosophes mettent en œuvre. Deux conférences invitées lancées à des collègues étrangers reconnus permettront d’élargir le débat.
[1] Titre d’une pièce de théâtre de Michel Seuphor (1926) dont le décor avait été dessiné par Piet Mondrian.
Programme / Lundi 20 novembre
Salle des conférences, Bâtiment Max Weber
Université Paris Nanterre
11h-11h15 Accueil des participants
11h15- 11h30 Thierry Dufrêne
Présentation des journées d’études « Patrimonialisation de l’éphémère »
Les archives de l’éphémère
11h30-12h Nicolas Moucheront (EHESS)
L’église du Redentore comme pétrification du dispositif de la première fête vénitienne du Redentore
12h-12h15 Pause café
12h15-12h45 Dominique Aris, Nicolas Gzeley
Présentation d’Arcanes, Centre National des Archives Numériques de l’Art Urbain et de la problématique de l’exposition de l’art urbain
12h45-13h Simon Grainville (HAR)
Rue physique / Rue virtuelle : basculement de la recherche iconographique sur les réseaux sociaux
13h-13h30 Discussions
13h30-14h30 Pause déjeuner
14h30-15h30 Présentation et projection de Fontaine. Trente-trois minutes à la documenta fifteen (Hervé Joubert-Laurencin et Marianne Dautrey, 38min, numérique, France, 2023)
15h30-16h Charlotte Bouteille (HAR) et Tiphaine Karsenti (HAR)
Les restes de l’archive. L’histoire du théâtre au défi de l’éphémère
16h00-17h – Conférence
Peter Schneemann (Université de Berne)
La tentation du développement durable dans la culture
communication en anglais
17h-17h30 Discussions
Intervenants
Nicolas Moucheront est architecte et doctorant en histoire de l’architecture à l’université Iuav de Venise, en co-tutelle à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Sa thèse sous la direction d’Elisabetta Molteni et de Pascal Dubourg Glatigny dont la soutenance est prévue le 11 mars 2024 porte sur les transformations du Palais des doges de Venise à l’époque moderne. Il est membre du centre d’étude RiVe à l’université Ca’ Foscari et outre des charges de cours à l’université de Nanterre, l’école du louvre et l’école d’architecture de Paris-Belleville, il anime un séminaire doctoral d’études vénitiennes à l’EHESS et participe à la séance annuelle du séminaire d’histoire de la construction.
Dominique Aris est Cheffe du département de la création artistique et cheffe de projets de l’art dans l’espace public, ministère de la Culture (2010 -2020). Elle est Membre d’Honneur de la Fédération de l’Art Urbain et Administratrice du Centre national des archives de l’Art Urbain ; photographe, auteur, journaliste et artiste ; Nicolas Gzeley documente la scène hexagonale de l’art urbain depuis le début des années 90. Il a notamment co-signé l’ouvrage Que Sais-Je ? L’Art Urbain édité par les Presses Universitaires de France et est actuellement président du conseil scientifique et artistique d’Arcanes, le centre national des archives numériques de l’art urbain.
Doctorant au sein du laboratoire HAR (Histoire des Arts et des Représentations) de l’Université Paris Nanterre, Simon Grainville étudie l’art urbain au prisme des cultures visuelles populaires. La thèse qu’il prépare sous la direction de M. Thierry Dufrêne s’articule plus particulièrement à la manière dont les graffeurs français ont imprégné dans leurs œuvres un imaginaire science-fictionnel, qu’il soit purement visuel ou encore narratif.
Hervé Joubert-Laurencin est professeur en études cinématographiques à l’université Paris Nanterre et membre senior de l’Institut Universitaire de France et directeur honoraire de l’UR HAR. Marianne Dautrey est éditrice, traductrice et cinéaste.
Charlotte Bouteille est maîtresse de conférences en études théâtrales à l’université Paris Nanterre ; Tiphaine Karsenti est professeure en études théâtrales à l’université Paris Nanterre. Ensemble, elles ont mené le projet de recherche « Performer l’archive » et elles contribuent toutes deux au programme international en humanités numériques “Registres de la Comédie-Française ».
Peter J. Schneemann est professeur titulaire à l’Institut d’histoire de l’art de l’Université de Berne, où il préside le département d’histoire de l’art moderne et contemporain et occupe le poste de doyen de la faculté des sciences humaines. Après avoir obtenu une bourse au Kunsthistorisches Institut de Florence, l’un de ses principaux domaines de recherche concerne les modes de médiation de l’urgence écologique. Il est le Coordinating Principal Investigator (Lead) du projet Sinergia du SNSF “Mediating the Ecological Imperative: Formats and Modes of Engagement” (2021-2024) et du projet SNSF “Öffentlichkeiten der Kunst. Die Geschichte der Schweizerischen Plastikausstellung (SPA)” (2022-2026).
Image : Exposition « Falling Garden » de Michel Blazy au Kunstraum Dornbirn, Date : mai 2007, Source : Kunstraum Dornbirn, Auteur : Adolf Bereuter. Wikimedia Commons