Journée d’étude / Secteur privé, service public: les avatars d’un couple notionnel. L’exemple du théâtre français du XVIIIe au XXIe siècle.
Dans le cadre du projet de recherche franco-japonais
« Le Théâtre français au prisme des notions de “public” et de ”privé” »
(Reconsidering the Aspects of the « Publicness » in French Theatre)
Université Waseda (coord.), Université Meiji, Université de Tokyo, Université Paris Nanterre (équipe de recherche en « Histoire des arts et des représentations » – HAR, EA 4414)
2018-2021
Journée d’étude
Secteur privé, service public: les avatars d’un couple notionnel
L’exemple du théâtre français du XVIIIe au XXIe siècle.
Vendredi 13 septembre 2019, de 9h30 à 18h
Université Paris Nanterre
Salle des conseils du bâtiment Ricœur (L), 4e étage
200 avenue de la République, 92001 Nanterre
Au Japon, c’est à partir des années 1990 surtout que les débats sur le caractère « public » du théâtre se sont animés. On assistait l’époque à l’aménagement d’équipements culturels spécialisé en arts de la scène à l’initiative des collectivités territoriales japonaises, mais aussi à la parution de la traduction anglaise (1989), puis japonaise (1994) de L’Espace public de Jürgen Habermas (la traduction française datant de 1988). Ces débats portaient d’une part sur les caractères spécifiques de ces théâtres publics en cours d’éclosion, par opposition aux théâtres privés concentrés notamment à Tokyo comme aux salles publiques existantes mais dont la vocation principale restait la location d’espaces, d’autre part sur les fondements du soutien public apporté au théâtre. Ainsi tentaient de s’élaborer les fondements et la doctrine d’un théâtre véritablement « public ».
En France, l’intervention publique en matière théâtrale s’inscrit dans une longue histoire. Cependant, c’est surtout à partir des années 1970, alors que de nouvelles générations issues de la « décentralisation dramatique » lancée sous la IVe République recueillent et interprètent l’héritage de Jean Vilar, que l’usage du terme « théâtre public » se généralise et tend à remplacer celui de « théâtre populaire ». Dans la construction de l’État-providence de l’après-guerre, puis grâce à l’impulsion d’André Malraux au ministère des Affaires culturelles de la Ve République, nombre d’équipements culturels ont été aménagés comme dans d’autres pays d’Europe occidentale, dont le financement reposait sur la coopération entre l’État et les collectivités territoriales, dans la perspective de ce que le vocabulaire politique ne nommait pas encore la « démocratisation culturelle » : parmi d’autres arts moins subventionnés, le théâtre devint ainsi une branche du service public. Aujourd’hui encore, en France, le financement public de la culture est l’un des plus élevés au monde per capita. Le pays est doté d’un riche réseau de théâtres dits publics, dont les personnels et les spectateurs considèrent souvent que cette propriété constitue un acquis intangible, bien que les frontières de l’appellation soient sans cesse remises en question : le théâtre est envisagé comme chose publique, res publica, patrimoine vivant et bien commun d’un peuple, à l’entretien et au développement duquel une importante responsabilité incombe aux autorités de l’État, des agglomérations, des départements et des régions.
Ce projet de recherche s’intéresse aux conditions dans lesquels de telles prémisses ont été posées. Il a pour objectif de saisir, d’analyser et de décrire le processus dans lequel le caractère « public » d’un large secteur du théâtre français — le mot théâtre étant pris ici au sens large, incluant diverses formes d’expression performative — s’est forgé non sans ménager des recoupements et des compromis avec les acteurs, les usages, les règles qui relèvent de la sphère du droit « privé ». L’analyse prend donc en compte non seulement ledit « théâtre public » mais aussi le « théâtre privé » – également susceptible de recevoir des subventions ou le produit d’une taxe parafiscale – dans lequel la notion de public intervient toujours au sens de collectivité de spectateurs. Elle rencontre encore les notions de sphère publique et d’espace public (au sens habermassien) et les questions relatives au droit d’auteur, puisque la propriété intellectuelle chevauche elle-même la frontière entre domaine public et patrimoine privé. Centrée sur le cas de la France, elle s’enrichira de comparaisons avec les conceptions japonaises. Tout en privilégiant le genre théâtral, la recherche n’en fera pas moins des incursions dans les champs de la danse ou de l’art lyrique.
Programme de la journée d’étude
9h 30 : Café et thé d’accueil des participants
9h45: Présentation du projet de recherche et de la journée d’étude par Shintaro Fujii (Waseda) et Emmanuel Wallon (Nanterre)
10h : Introduction
Robert Abirached, professeur émérite à l’Université Paris Nanterre:
« Théâtre, service public: genèse d’une notion fluctuante ».
10h30 : Table ronde 1 – De l’exception à la règle : la longue histoire d’un clivage
Modération : Christophe Triau, professeur d’études théâtrales à l’Université Paris Nanterre
Kaori Oku, professeure assistante en littérature française à l’Université Meiji:
« Dans les franges du monopole: les théâtres de la foire au XVIIIe siècle ».
Jean-Claude Yon, professeur d’histoire à l’Université de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines (UVSQ) et directeur d’études cumulant à l’École pratique des hautes études (EPHE):
« Les pouvoirs publics et le théâtre en France au XIXe siècle : un bref panorama ».
Isabelle Moindrot, professeure en études théâtrales à l’Université Paris 8-Saint-Denis:
« Portrait de l’auteur en entrepreneur de spectacles: quelques figures de la scène parisienne à la fin du XIXe siècle ».
Pascale Goetschel, professeure d’histoire à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne :
« Public/privé, rive droite/rive gauche : les lignes de partage de la scène parisienne dans les années cinquante ».
Marc Véron, docteur en études théâtrales de l’Université Paris Nanterre :
« Louis Jouvet entre le Palais-Royal et l’Athénée: vertus publiques et passions privées ».
Léonor Delaunay, directrice de la Revue d’histoire du théâtre:
« Aux sources multiples du théâtre privé parisien ».
13h-14h : Pause déjeuner
14h : Table ronde 2 – Les ambiguïtés d’une opposition : l’intrication des logiques
Modération : Sabine Quiriconi, maîtresse de conférences en études théâtrales à l’Université Paris Nanterre
Martial Poirson, professeur en études théâtrales à l’Université Paris 8-Saint-Denis:
« La scène française aux prises avec la raison économique: héritages et perspectives ».
Bertrand Krill, ancien administrateur des Ateliers contemporains :
« Claude Régy, un parcours en lisière du public et du privé ».
Bérénice Hamidi-Kim, professeure d’études théâtrales à l’Université Lyon 2 :
« Régimes et discours de justification dans le théâtre public en France aujourd’hui ».
Emmanuel Wallon, professeur de sociologie politique à l’Université Paris Nanterre:
« La tutelle des labels nationaux dans le théâtre subventionné: une politique d’État à l’épreuve de la décentralisation ».
Shintaro Fujii, professeur en études théâtrales à l’Université Waseda :
« Le secteur public au Japon: un théâtre introuvable ? »
16h : Conclusions
Christian Ruby, philosophe, co-auteur du Publictionnaire:
« Constituer un public ».
Discutant : Patrick de Vos, professeur d’études théâtrales à l’Université de Tokyo :
« Faire silence ou susciter le débat : quelques équivoques franco-japonaises ».
17h : Échanges sur les prochaines étapes de la recherche
17h30 : Cocktail