ECOLE INTERNATIONALE DE PRINTEMPS D’HISTOIRE DE L’ART
Art et politique
XVIe école de printemps d’histoire de l’art
Nanterre
18 au 22 juin 2018
L’étude des rapports entre art et politique est toujours peu ou prou marquée du soupçon du fonctionnalisme. Évoquer la « fonction politique de l’art », serait en réduire la portée esthétique, sacrifier la forme sur l’autel d’un principe extérieur, plaquer sur l’œuvre une vision instrumentale. La notion de « propagande », abondamment utilisée par les historiens, est emblématique de cette réduction du visuel au message qu’impose l’insertion de l’art dans la cadence de l’histoire politique. Ce que le politique fait à l’art est alors envisagé comme une perte – de l’esthétique, de la forme, de l’autonomie de l’art. Tout se passe comme si se rejouaient ici les anciennes querelles qui entouraient jadis la réflexion sur la « destination sociale » de l’art ; comme s’il fallait aussi maintenir la possibilité pour l’art d’être le dernier refuge de la liberté. De récents travaux font néanmoins apparaître un nouveau type de convergence entre l’histoire et l’histoire de l’art, qui nous amène à repenser les termes de la réflexion. D’un côté, les historiennes et historiens du fait politique semblent renouer avec une démarche nourrie dès ses origines par l’anthropologie, pour qui les symboles ont des conséquences sur le monde réel. Les rituels politiques, emblèmes, cultures visuelles ou artis- tiques contribuent au fait politique non comme simple reflet ou expression du déroulement historique, mais en tant qu’ils sont pris dans une chaîne événementielle complexe. Pour ces derniers, la vie et la puissance des symboles se mesurent aux bouleversements qu’ils produisent dans le monde social.
D’autre part, en écho à cette histoire, répond, dans la discipline de l’histoire de l’art, du théâtre, de la photographie et du cinéma, un intérêt renouvelé, rafraîchi pour une tradition qu’on croyait révolue, l’histoire sociale de l’art, attachée à ancrer la production artistique comme les discours sur l’art et l’historiographie dans les mouvements politiques et sociaux. Au croisement de ces deux trajectoires se pose une question : celle de l’art comme mode d’intervention politique.
Si l’on définit le politique comme le lieu de l’expression des dissensions, des désaccords, comme le moment où se rencontrent des positions contraires, alors il est possible de sortir d’une vision intentionnaliste selon laquelle l’art serait l’affirmation symbolique d’un pouvoir, d’une souveraineté, d’un message politique ; de comprendre comment l’art agit sur les frontières, les zones de frottement, les moments conflictuels, comment il partage et départage la chose publique. Il s’agit en somme de renverser la position pour s’interroger sur ce que l’art fait au politique. Quelles transformations l’art produit-il sur les institutions, les groupes, les partis, les classes sociales ? Cinquante ans après le formidable essor de l’histoire sociale de l’art, qui coïncidait avec celui de l’anthropologie, de nouveaux questionnements ont émergé, de nouveaux territoires se sont ouverts. L’héritage des visual studies et de la pensée foucaldienne, l’assimilation tardive des cultural studies, l’importance croissante de la géographie artistique, de la sociologie des réseaux, de l’histoire transnationale à l’ère de la mondialisation : autant de facteurs qui ont fait évoluer les méthodes de l’histoire de l’art pour définir à nouveau frais l’action de l’art sur le politique.
Christian Joschke
Programme complet, ici.