Francis Ponge, souvent qualifié de poète des choses ordinaires, écrit sur la chèvre, le savon, le crottin… Il tente ainsi, hors de tout procédé rhétorique et de toute technique poétique, d’entrer dans les choses comme telles ou telles qu’elles sont. Mais ce « telles qu’elles sont », souvent nous en faisons un « telles qu’elles nous paraissent être » à nous-mêmes, nous qui ne savons pas réellement rendre compte de la part sensible des choses. Comment comprendre alors cette immersion dans un univers sensible que l’on sait par avance hors des choses ? Cette immersion s’inscrit-elle dans une lecture philosophique de la réalité, une sorte de réduction phénoménologique merleau-pontienne, ou dans une vision naturaliste du monde faisant de la nature un principe fondamental, à la manière de la religion naturelle de Diderot ou de l’écriture naturaliste de Zola ? Francis Ponge écrit-il pour montrer les lacunes du langage courant, ou au contraire pour mettre en place un autre langage ? Écrit-il ou est-il dans une tentative d’écriture comme tous ces écrivains, tels Sarraute, Blanchot ou Beckett, qui résistent à l’écriture en écrivant ?